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Le besoin d’Éros dans l’accompagnement thérapeutique : Un désir nécessaire pour l’autre
- 18 avril 2025
- Catégorie : APQS Rehab
Dans toute relation d’accompagnement, surtout lorsqu’elle se déroule dans un cadre d’entretien individuel, une dimension fondamentale apparaît : celle de l’Éros. Non pas dans son sens communément érotique, mais dans sa forme plus profonde, telle que définie par Freud : l’énergie vitale, la pulsion de vie qui nous pousse vers l’autre, qui nous incite à tisser des liens, à nourrir l’empathie, et à désirer accompagner l’autre dans son cheminement. L’Éros devient, pour le professionnel, une sorte de moteur souterrain, un substrat nécessaire pour que le travail thérapeutique puisse s’épanouir dans toute sa dimension.
Éros et transfert : une danse délicate
Dans la psychanalyse classique, le transfert est ce phénomène par lequel le patient projette ses désirs, ses peurs, ses attentes sur le thérapeute. Mais pour que ce transfert prenne vie, il faut une rencontre — un désir de rencontrer l’autre, de se laisser toucher par son histoire, sans pour autant en être écrasé. Ce désir, c’est l’Éros du thérapeute qui, sous sa forme la plus subtile, crée un espace d’accueil pour l’autre. Il est à la fois ce qui permet la distance thérapeutique et ce qui assure que cette distance ne soit pas un mur infranchissable.
Dans cet espace, Éros n’est pas un désir charnel, mais une volonté de comprendre, une ouverture à l’autre. Le professionnel, en se rendant disponible à cet espace de rencontre, accepte de se laisser frôler par la vie de l’autre. Cette rencontre n’est pas neutre, elle est marquée par le mouvement de l’Éros, qui crée du lien, même dans le silence, même dans la parole suspendue.
L’Éros comme force de vie dans la relation thérapeutique
Le danger dans l’accompagnement est la neutralité froide, le retrait complet de soi pour ne devenir qu’un miroir de l’autre. Certes, il est essentiel de ne pas s’engager émotionnellement au point de perdre sa fonction de guide, mais un excès de distance entraîne une perte de la dimension humaine de la relation. Il n’y a plus de vie. L’Éros, ici, est ce qui permet au thérapeute de maintenir un équilibre entre la distance nécessaire à la réflexion clinique et la proximité suffisante pour que l’accompagnement prenne un sens véritable.
Cette pulsion de vie, ce désir fondamental d’accompagner, doit être reconnu par le professionnel comme un besoin pour lui-même aussi. Ce n’est pas une simple fonction de l’empathie, mais bien une énergie intérieure qui fait que chaque rencontre devient singulière, riche, et parfois même transformante. En se connectant à cette pulsion, le thérapeute fait preuve d’une vitalité intérieure qui nourrit non seulement l’accompagnement, mais également sa propre pratique.
Le danger de l’absence d’Éros : une relation vidée de son sens
Lorsqu’Éros se retire de l’accompagnement, que reste-t-il ? Une mécanique froide, une série de gestes professionnels désincarnés, et surtout, une déconnexion avec le patient. Le transfert devient alors une simple projection sans retour, et la relation thérapeutique se vide de toute sa dimension humaine. Il devient primordial de se rappeler que chaque être humain que nous accompagnons est une vie qui pulse, qui désire être vue, reconnue, même au cœur de ses contradictions, de ses blocages ou de ses résistances.
Sans Éros, la relation thérapeutique devient un espace figé, une rencontre où l’on ne se laisse plus affecter. Or, c’est bien cette affectation, ce frémissement intérieur devant la vie de l’autre, qui fait la richesse de notre métier.
Conclusion : Un désir nécessaire
Reconnaître l’Éros dans l’accompagnement, c’est accepter que nous sommes des êtres de désir, même dans l’espace professionnel. Ce désir, loin de nous perdre dans une proximité dangereuse, nous invite à rester vivants, à ne pas perdre de vue l’humain qui se trouve en face de nous. Il est la force qui nous pousse à être présents, à écouter, et à accompagner l’autre dans sa quête, tout en respectant sa singularité.
Alors, lorsque nous sommes assis face à l’autre, dans cet espace sacré de l’entretien, rappelons-nous que l’Éros, dans sa forme la plus subtile, est toujours à l’œuvre. C’est ce qui nous permet d’être à la fois gardiens et passeurs, guides et témoins, dans ce cheminement partagé.
