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L’art subtil de la distance : entre le cœur et l’ombre
- 25 avril 2025
- Catégorie : APQS Rehab
Dans l’acte d’accompagner, il y a un souffle invisible qui danse entre deux êtres. Ce souffle, fragile et précieux, est ce que l’on appelle la bonne distance. Ni trop près, ni trop loin, elle est cet espace où les mots, les émotions, et les silences se répondent sans s’étouffer. Mais comment la trouver, cette distance qui préserve tout sans jamais en dire trop ? Comment la conserver, face à l’intensité des échanges et aux échos de l’autre qui parfois s’immiscent en nous ?
Comme une toile tendue entre deux rives, la bonne distance est une tension délicate, un fil d’équilibriste qui demande une vigilance de chaque instant. Dans l’entretien individuel, la tentation est grande de plonger tête la première dans l’univers de l’autre, de s’oublier au nom de l’empathie, au nom de la compréhension. Pourtant, cette immersion totale risque de brouiller les frontières, de nous faire perdre de vue ce que nous sommes, et surtout ce que nous devons être : un phare dans la tempête, pas une voile battue par les vents.
Trouver la distance : un art de la présence
La bonne distance commence par la reconnaissance de l’altérité. Ce que l’autre vit, ressent, et exprime, nous ne le partageons que par l’écoute, jamais par l’assimilation. L’accompagnateur, qu’il soit thérapeute, conseiller ou éducateur, est un témoin, un reflet. Ce n’est pas à lui de porter les fardeaux de ceux qu’il accompagne, mais de les éclairer, de tendre un miroir où se dévoilent les propres réponses du patient.
Pour trouver cette distance, il faut savoir écouter son propre souffle. L’état émotionnel de l’autre, aussi bouleversant soit-il, n’est pas le nôtre. Être présent ne signifie pas être absorbé. C’est offrir une attention totale tout en conservant un espace intérieur où l’on reste soi. Comme un arbre ancré dans la terre, nous devons sentir nos racines s’enfoncer plus profondément à mesure que le vent du doute souffle.
Conserver la distance : une danse avec le temps
Et puis, il y a ce défi de la conservation. Car, une fois la distance trouvée, elle est souvent mise à l’épreuve. Les confidences peuvent devenir poignantes, la douleur palpable, et la tentation d’intervenir trop directement, trop humainement, trop vite peut être grande. Mais à chaque effondrement potentiel, à chaque vague qui menace de nous emporter, il faut se rappeler que notre rôle n’est pas de sauter dans les eaux troubles, mais de rester sur la rive, d’y jeter une corde. Être cette main tendue qui ne se laisse pas happer.
Conserver la distance, c’est savoir poser des limites. Des limites claires mais bienveillantes, que l’on énonce en silence ou parfois en mots. C’est aussi savoir que l’on ne peut sauver l’autre à sa place. Nous accompagnons, mais c’est toujours l’autre qui traverse.
Dans cette danse délicate avec la distance, il y a une question de rythme. Savoir quand ralentir, quand laisser de l’espace, quand au contraire resserrer l’étreinte des mots. Cette maîtrise du tempo est aussi une maîtrise de soi. Elle s’apprend, se réapprend, et s’affine au fil des rencontres.
Un espace sacré
La distance, finalement, est ce qui préserve l’espace sacré de la relation. Cet espace où le changement peut se déployer librement, sans l’intrusion de nos peurs ou de nos attentes. En préservant cette distance, nous permettons à l’autre de devenir, à son rythme, la version la plus authentique de lui-même.
Alors, la distance n’est pas une froideur ni une indifférence. Elle est, au contraire, une offrande d’espace et de liberté. Une promesse silencieuse : « Je suis là, mais je te laisse marcher seul. »
C’est ainsi que, dans cet accompagnement, nous restons des gardiens attentifs de cet espace précieux, tout en nous souvenant que c’est dans cet écart, dans cet interstice entre le cœur et l’ombre, que naissent les plus belles transformations.
